Des vêtements éco-responsables made in France ?
Depuis que j’ai créé Feuille d’Artichaut, je ne cesse de me questionner sur l’utilité de ma démarche : une énième marque de vêtements éco-responsable, pourquoi faire ? Si je crée des vêtements, aussi raisonnables qu’ils soient, cela ne revient-il tout de même pas à prendre part à une frénésie de production collective, qui participe à la dégradation de l’environnement ? Comment peut-on créer – une activité si humaine et si passionnante – mais créer avec sens, et avec intention ?
Consommation et intention
D’intention, c’est peut-être de cela qu’il s’agit. Pendant longtemps, je n’achetais que des vêtements de la fast-fashion, et uniquement en soldes. J’avais l’impression de faire des affaires incroyables, de renflouer ma garde-robe pour des prix riquiquis. Mon intention était, à l’époque : « acheter ce dont j’ai besoin pour un prix le plus bas possible, et une ou deux choses dont je n’ai pas besoin mais qui me font plaisir, si le budget le permet ». Je ne peux évidemment pas me, nous condamner pour cela. À chaque temps ses intentions. Pourtant avec le recul, il est évident que cette manière de fonctionner de l’industrie est un leurre. Si ce n’est pas moi qui paie le prix de ce t-shirt, c’est son ouvrier, ou la planète, souvent les deux. Qu’il était facile à l’époque de consommer ainsi, même si ce n’était pas excessif. Mes seuls regrets étaient d’avoir dépensé cinq euros de trop dans une robe que je ne mettais pas.
Depuis que j’ai réalisé l’ampleur du problème, je ne veux plus acheter de vêtements jetables. Lorsque cela m’arrive, je culpabilise, à chaque fois que je vois ledit vêtement. À la place, je fais les placards de ma famille pour récupérer ces pépites qu’ils ne portent plus, ou si j’ai besoin de remplacer quelque chose de précis, je cherche, longtemps, la meilleure option, pour trouver celle qui répondra le plus parfaitement possible à mon besoin – tel type de vêtement, le moins polluant possible, et bien sûr dans mon budget. Il faut faire des compromis, dans la forme ou le fond. Ce n’est pas fast, ce n’est pas rapide, c’est long et chronophage. Ce n’est pas parfait, il y a souvent des écarts. Mais, l’intention y est. Bien sûr, c’est une manière de consommer qui n’est pas accessible à tous, j’en suis consciente, mais je crois que si l’on peut y penser, alors on peut le faire. Je le vois comme un privilège, dont il faut user si l’on y a accès.
Création et intention
J’essaie d’avoir la même intention dans mon processus de création. De plus en plus, je veux créer des vêtements qui ont un sens, une vie, un cœur. Au bonheur d’avoir fabriqué quelque chose de mes mains, et au bonheur de le voir porté par quelqu’un, je veux ajouter le bonheur de savoir que ce vêtement a été conçu dans le respect de notre environnement, la planète Terre. Je veux moi-même pouvoir porter des vêtements dont je ressens toute l’énergie positive avec laquelle ils ont été conçus.
Lorsque je choisis mes tissus, mes fils à coudre, mes perles, pas un instant je ne perds de vue cette intention. Je continue toujours à réfléchir sur ma manière de créer. Des tissus que j’aurais pu acheter par le passé pour leur facilité d’accès et leur prix bas, je ne les achète plus. Bien sûr, cela n’est pas forcément très rentable – il faut dénicher les tissus aux bons endroits, au bon moment, au bon prix… Mais je ne dois pas oublier que mon objectif est de conserver mon intention. Il y a un équilibre très important pour moi à trouver.
Évidemment, la création de nouveaux vêtements participe de façon inhérente à l’industrie de la mode, que je le veuille ou non. Pour minimiser cela, j’adore utiliser des tissus anciens (dits aussi « vintage »), dont par ailleurs j’apprécie beaucoup la qualité. Je créé uniquement des pièces uniques ou des séries très limitées, et si j’ai commencé Feuille d’Artichaut en cousant à l’avance des pièces de différentes tailles, je travaille maintenant sur commande, pour éviter les stocks restant dans un placard.
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